Pourquoi mesurer une consommation d’eau ?
Sans changement radical de notre consommation d’eau le monde devra faire face à un déficit hydrique global de 40 % dès 2030 alertent les experts de l’Organisation des Nations unies (ONU). Les aquifères souterrains, qui sont la principale source d’eau potable pour les populations, sont de plus en plus exploités et un aquifère sur cinq est surexploité. Dans le nord de la Chine, le niveau de la nappe phréatique est descendu de 40 mètres en quelques années. Ces prélèvements excessifs accentuent les risques de glissement de terrain et peuvent entrainer des entrées de sel dans les nappes rendant l’eau impropre à la consommation.
D’après les prévisions, la demande en eau devrait augmenter de 55% d’ici 2050, non seulement à cause de la croissance démographique mondiale (population estimée à 9,8 milliards) mais également par l’augmentation moyenne de la consommation par habitant. De plus, les besoins de l’industrie devraient exploser de 400% d’ici-là. A cela s’ajoute les consommations d’eau du secteur agricole dont les prélèvements actuels ne sont pas soutenables. Entre 1961 et 2009, les terres cultivées se sont étendues de 12 %, tandis que les superficies irriguées augmentaient de 117%.
En France, l’empreinte eau d’un consommateur est de 1 786 m3 par an, soit près de 15 000 baignoires. Une grande partie de l’empreinte en eau française est externe puisque 47% de l’eau consommée provient d’eau utilisée à l’étranger pour fabriquer les produits importés puis consommés en France.
L’utilisation de l’eau devient donc de plus en plus un enjeu majeur. Réussir à mieux quantifier les consommations d’eau sur le cycle de vie de produits ou de services permettrait d’identifier les leviers à mettre en place pour diminuer les quantités d’eau utilisées.
Comment mesurer une consommation d’eau ?
Il existe grâce à la méthodologie de l’Analyse du cycle de Vie (ACV) plusieurs façons de mesurer une consommation d’eau sur le cycle de vie d’un vie d’un produit ou d’un service. On retrouve principalement deux indicateurs étudiés :
- La consommation nette d’eau douce (Net Use of Freshwater) : Quantité d’eau consommée à chaque étape du cycle de vie du produit (ou service) étudié. Une quantité d’eau consommée est une donnée d’inventaire.
- L’empreinte eau (Water Footprint ou PEF-Water Use) : Indicateur quantifiant les impacts environnementaux potentiels relatifs à l’eau. Elle prend en compte une consommation d’eau (incluant l’eau nécessaire à la dilution des polluants) pondérée par des indicateurs locaux de stress hydrique.
La consommation nette d’eau douce
L’indicateur de consommation nette d’eau douce est un indicateur de flux qui vient faire l’inventaire de l’ensemble des flux d’eau consommée sur le cycle de vie du produit.
Pour estimer la privation d’eau (écosystèmes, santé humaine et ressources) c’est bien l’eau consommée qu’il faut considérer.
Attention : l’eau consommée n’est pas égale à l’eau prélevée. L’eau consommée représente l’eau prélevée à laquelle on soustrait l’eau rejetée. Il n’y a donc que 3 manières de consommer de l’eau : Evaporation/évapotranspiration ; Incorporation dans un produit ; Transfert dans un autre bassin versant (ex. : canal, canalisation).
Vous pouvez retrouver la consommation nette d’eau douce dans le logiciel EIME avec l’indicateur de flux « Net use of freshwater » disponible avec les indicateurs d’utilisation de ressources.
L’empreinte eau
L'empreinte de l'eau ou Water footprint en anglais est un indicateur d'impact basé sur la consommation effective d’eau aux différents stades de la production d’un produit par le consommateur ou le producteur. On distingue l'eau verte, bleue et grise :
- eau bleue : consommation directe des eaux de surface ou des eaux souterraines. Elle inclut l'eau captée pour les usages domestiques et agricoles.
- eau verte : consommation naturelle d’eau de pluie par le sol. Elle inclut l’humidité, l’évaporation et la transpiration des plantes.
- eau grise : volume d’eau douce nécessaire à la dilution des polluants afin de rendre cette eau usée apte à être rejetée dans le milieu naturel.
Cette consommation effective d’eau est ensuite pondérée par des indicateurs locaux de stress hydrique. Un indicateur de stress hydrique est un facteur de caractérisation qui permet de convertir une quantité d’eau consommée (donnée d’inventaire) en impact potentiel relatif à un problème de privation d’eau. Cet indicateur prend généralement en compte les variations spatiotemporelles de l’état des ressources en eau. Ce facteur permet de prendre en compte le fait que la consommation d’eau dans une zone aride sera plus impactante pour les populations locales que la consommation d’eau dans une zone tempérée.
L’empreinte eau est donc la consommation effective d’eau multipliée par le facteur de stress hydrique de l’endroit où l’eau est consommée.
Le résultat de l’empreinte eau est alors donné en m3 d’eau équivalent et n’a plus de réelle signification physique puisque le volume d’eau réellement consommé peut être multiplié par un facteur supérieur à 1.
Vous pouvez retrouver l’empreinte eau dans le logiciel EIME avec l’indicateur « PEF-Water Use » disponible dans le set « Indicators for PEF EF 3.0 » conforme aux règles PEP ed.4 et EN15804+A2. La méthode de caractérisation utilisée est Available WAter REmaining (AWARE), 2016. Cette méthode est la plus consensuelle pour la réalisation d’une empreinte eau et est recommandée par la commission européenne (PEF-EF) et l’UNEP.
L’empreinte eau peut également exister sous forme d’évaluation multicritère intégrant d’autres indicateurs évaluant la pollution de l’eau. Une empreinte eau multicritère a pour objectif de couvrir la totalité des impacts environnementaux relatifs à l’eau : à l’aspect quantitatif (privation d’eau), on rajoute l’aspect qualitatif (pollution de l’eau). Pour ce faire, une ACV multicritère est réalisée puis les indicateurs relatifs aux problèmes de qualité de l’eau sont extraits pour obtenir une empreinte eau multicritère. La réalisation d’une empreinte eau multicritère est encadrée par la norme ISO 14046.
Pour illustrer la façon de réaliser une empreinte eau, retrouvez l'infographie :
Camille Maeseele, Charlotte Pradinaud, Sandra Payen, Philippe Roux. L’empreinte eau - Mémento graphique. pp. 48, 2021, ff10.15454/rx5e-q558ff. ffhal-03207737f
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Sources :
Valo, M. (2015). La crise de l’eau illustrée en 5 graphiques – Site Internet. Le Monde. https://www.lemonde.fr/ressources-naturelles/article/2015/03/20/la-crise-de-l-eau-illustree-en-5-graphiques_4597592_1652731.html
WWF (2012). L’empreinte eau de la France. https://waterfootprint.org/media/downloads/WWF-France-2012-Empreinte-Eau_1.pdf Camille Maeseele, Charlotte Pradinaud, Sandra Payen, Philippe Roux. L’empreinte eau - Mémento graphique. pp. 48, 2021, ff10.15454/rx5e-q558ff. ffhal-03207737. https://hal.inrae.fr/hal-03207737/document
Mars 2022